L’Invention de l’Afrique, la Question Congolaise, et Pertinence de l’Élite Intellectuelle dans la (Re)Construction Sociale 

Les Séminaires Saisonniers que propose le Centre Arrupe pour la Recherche et la Formation (CARF)sur la Pensée Africaniste se situent en continuité avec la Conférence sur les Études Africaines d’Octobre 2023 et veulent se focaliser sur la place de la pensée intellectuelle dans la reconstruction des sociétés Africaines et sur la production des savoirs sur l’Afrique, par des chercheurs Africains, quel que soit leur location ou milieu de travail. Ils se tiendront chaque année, en collaboration avec le CARF, par des professeurs chercheurs Africains, profitant de leurs mouvements de vacances universitaires, et leur désir de contribuer à l’éclosion d’une pensée critique et décolonisée, sur l’Afrique. Il s’agit essentiellement de collaboration dans la recherche avec les chercheur.e.s, doctorant.e.s, africains, pour prolonger le champ des Études Africainesen Afrique, plus particulièrement en République Démocratique du Congo.

Ces séminaires intellectuels se tiendront pendant la deuxième semaine du mois d’Août. Ils seront hybrides (présentiel et en ligne) et permettront aux jeunes chercheur.e.s et doctorant.e.s Congolais.es et Africain.e.s non seulement d’approfondir leurs compétences en recherche, écriture, et publication scientifiques mais aussi de repenser les défis sociétaux de leur temps. Chaque année, un thème, un penseur, une approche seront proposés par l’animateur du séminaire, et les séminaristes proposeront, à la fin, un papier qu’ils travailleront jusqu’à la maturité et publieront dans un journal référencé, avec l’aide du professeur. Ces séminaires, à la croisée de la pensée théorique, de la philosophie, des idées postcoloniales, de l’histoire, et des sciences sociales, permettront d’ouvrir un espace de rencontre intellectuelle entre les savants, chercheurs, Africanistes, activistes sociaux, enseignants et décideurs des politiques publiques. Le but est de questionner le rôle et la place de la pensée dans l’administration publique et de raviver la vie intellectuelle dans la gestion des rapports sociaux au quotidien.

L’inarticulation et l’inadéquation de la pensée pour l’action sociale dans la construction du présent conduisent, en effet, à l’institutionnalisation de l’arbitraire, et à l’adoration de la bêtise politique. Elles créent aussi des discontinuités épistémiques entre les populations, leurs dirigeants, et les générations nouvelles. Et paradoxalement, alors que le savoir est cumulatif, elles rendent la pensée obsolète et superflue tout en suggérant qu’il faille habiter en d’autres géographies si l’on veut réconcilier éthique et politique.

Plus qu’un espace intellectuel, les Séminaires Saisonniers sur la Pensée Africaniste se donne pour ambition de produire une revue critique et incontournable, multidisciplinaire et inflexionnelle, qui deviendra un incubateur d’intelligences, une fabrique de la réflexion sur les enjeux passés, présents, et futurs en Afrique et dans le monde. Jeunes penseurs/ses, écrivain.e.s, artistes, activistes, et d’autres acteurs de la société africaine, soucieux/ses de réfléchir sur les enjeux du moment et les questions qui touchent à la qualité de notre vie en Afrique, mais aussi à notre avenir collectif, notre humanité partagée, et les intérêts vitaux de l’Afrique. Le participants feront une lecture intensive et critique à partir d’un.e auteur.e Africain.e d’envergure qui sera proposé.e. Il sera animé par un(e) ou plusieur(e)s professeur.e.s africanistes basé(e)s en Afrique ou dans une université de la diaspora.

Dans sa première édition, le séminaire se tiendra du mercredi 7 au vendredi 9 Août 2024 au Centre Arrupe pour la Recherche et la Formation (CARF) à Lubumbashi. Nous proposons à cette première cohorte la lecture de L’Invention de l’Afrique, une œuvre monumentale dans les Études Africaines par professeur V.Y. Mudimbe, explorant essentiellement les questions de mémoire collective, de vulnérabilité sociale, et de violence politique et symbolique, de domination et de libération, à la lumière de la pensée de V.Y. Mudimbe. Quels que soient le domaine de recherche ou la discipline académique des participants, nous estimons qu’il est fondamental et urgent de réinscrire une pensée philosophique dans tous les savoirs et dans toutes les actions de l’humain. Le divorce que nous voyons s’opérer entre les STEM (Science, Technologie, Ingénierie, et Mathématiques) et les humanités est un danger pour notre avenir collectif. Une réponse à la question sur la pertinence même du modèle d’éducation néolibérale et une évaluation de son incidence sur le monde vécu social est à l’ordre du jour. Par exemple, avec quelle rigueur académique devrions-nous repenser l’état actuel, nous servant de la pensée théorique de V.Y. Mudimbe pour comprendre les choses et les êtres qui peuplent notre société. Quel rôle la pensée critique peut-elle jouer pour refonder l’État, réorganiser l’espace public, et réimaginer le vivre ensemble ? Doit-on se contenter de blâmer le passé ou d’exercer une pratique intellectuelle sans rupture épistémologique entre théories et croyances d’hier et pratiques sociales d’aujourd’hui ? Les valeurs sociales peuvent-elles avoir un caractère mathématique absolu ?

La contribution de V.Y. Mudimbe dans les études Africaines est incommensurable. La jeune génération de penseurs Africains revendiquent sa pensée pour poursuivre l’effort de la décolonisation. Il est donc urgent et pertinent de lire et d’enseigner Mudimbe en RDC. Les chercheurs universitaires ainsi que les enseignants de philosophie dans les lycées et collèges trouveront dans ce projet des outils pour la démystification de la bibliothèque coloniale, la déconstruction des structures colonisantes, et l’outil pour de la décolonisation des esprits. V.Y. Mudimbe en effet expose la violence du système colonial, les extorsions et extraversions qu’il justifie, ainsi que la fabrique d’une image de l’Afrique qui se perpétue grâce à la bibliothèque coloniale, cet ensemble des épistèmes et des gnoses produites par les agents coloniaux et par l’expérience coloniale elle-même. La colonisation qui fut une entreprise de réorganisation des espaces et des esprits des Africains ne peut pas arrêter son effort tant que le système capitaliste occidental aura besoin de se maintenir et de se renouveler. L’expérience coloniale se perpétue à travers les structures colonisantes (dont la bibliothèque coloniale – et les médias qui produisent des connaissances et maintiennent leur emprise sur la définition de l’Afrique). Cette entreprise occidentale en Afrique renouvelle ses brutalités, renforce la disciplination (policing), s’impose par la violence, mais surtout demeure une fabrique des identités meurtrières. Comment les combattre si on est incapable de les identifier ? L’Afrique contemporaine qui est une invention des autres, un produit de la violence et l’arbitraire aux services des intérêts néocoloniaux, doit se réinventer à partir d’elle-même et pour les Africains.

Plus de 60 ans après les indépendances, la violence et l’arbitraire devenus structurelles et systémiques sur le continent, semblent contrôler les modes de gouvernance et de production. Des conflits identitaires semblent indépassables. Des guerres découlent des injustices sociales et les prolongent. A partir du constat du réel, cette première édition Séminaire Saisonnier sur la Pensée Africaniste offrira donc aux chercheurs l’occasion d’analyser, la possibilité de comprendre, et le devoir d’exposer à partir des intuitions de Mudimbe, une explication rationnelle des alternatives possibles pour l’Afrique. La situation de violence et de domination structurelles que vit le Congo depuis trois décennies n’est pas le fruit du hasard. L’intellectuel à l’obligation morale de ne point se soustraire de la question politique qui cherche à résoudre ce problème. L’état moderne en Europe est né des crises et de la violence. Et nous, quelle réflexion prospective, innovante, moralement acceptable, et qui touche aux problématiques majeures de vie et mort, du vivre-ensemble et de construction d’une société juste sommes-nous capables d’apporter ?

L’avenir de ces Séminaires se trouve aussi dans la mobilité. La manière de définir et d’occuper l’espace au 21ème siècle ne peut pas être la même que dans les siècles précédents. L’espace virtuel a tout bouleverse de nos rapports à la terre et à la prise de parole. Ces séminaires seront organisés dans une université différente, chaque fois, à travers le pays, ou tout au moins, l’espace virtuel est ce qui va demeurer « stable » pour l’identité de l’organisateur CARF. Après avoir complète le séminaire et apprêté pour publication son travail final, le (la) séminariste recevra un certificat pour attester sa participation. Pour cette première édition, elle sera limitée à un nombre réduit entre 10 et 15 chercheurs(e)s qui seront sélectionnées sur base des critères objectives.

Inscription : Envoyez votre candidature à : info@centrearrupe.org ou kafmurhula@gmail.com au plus tard le 29 juillet 2024 (horaires et autres informations sur les modalités de participations vous seront communiqués directement)

Facilitateurs :

  1. Prof. Toussaint Kafarhire Murhula, S.J., CARF (Lubumbashi)
  2. P. Mukadi Ilunga, S.J., Université Sophia (Japon)
  3. Prof. invité : Zubairu Wai, Université de Toronto (en ligne)

Durée du Séminaire : 3 Jours pleins.

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