Le 24 avril de chaque année, le monde entier célèbre la Journée mondiale du livre. Cette année, la thématique proposée au plan international était : « lisez à votre façon ».

Le Centre Arrupe pour la Recherche et la Formation, CARF en sigle, s’est focalisé sur ce thème pour organiser la tenue de cette journée. Au CARF, c’est le vendredi 26 avril 2024 que la célébration a eu lieu. Une conférence a donc été organisée. La principale conférencière a été Madame Nelly Tshiela Mutayi, juriste, écrivaine et directrice de l’Académie d’éloquence et leadership. Autres conférenciers : Père Kombo Pika Ernest, SJ, Directeur administratif du CARF, Madame Noella Itumu Inguya, Bibliothécaire en chef et M. Lucien Tshinyam Kawel Informaticien, tous membres du CARF.

Les préparatifs de la conférence avaient démarré trois semaines plus tôt, notamment avec la mobilisation physique et digitale. Plusieurs bibliothèques, librairies et institutions d’enseignement supérieur et universitaire avaient été atteintes afin de rehausser de leur présence ce grand rendez-vous des amis du livre. Bien d’autres milieux intellectuels et professionnels avaient aussi été saisis pour la même cause.

Au niveau du CARF, cette journée a été l’affaire de tout le monde. C’est donc tout le personnel qui s’est impliqué dans l’affaire, des préparatifs jusqu’au déroulement de la conférence. Des commissions avaient été mises en place et supervisées par la Direction. L’union fait la force, nous disent les Français. C’est donc une telle union qui a rendu possible la réussite d’un tel événement.

Le Jour-J, c’est à 14h00, heure de Lubumbashi que tout va commencer. Les invités arrivent de partout : étudiants, professeurs, responsables de librairies et de bibliothèques, hommes d’affaires, miniers, etc.

L’accueil est assuré par deux collaborateurs du CARF : M. Cédric Wamona Mbowa, le jeune Bibiothécaire Assistant et Célestin Mbasa, Candidat à la Compagnie de Jésus.

Première conférence : Père Ernest Kombo Pika

A 14h30, c’est l’ouverture de la conférence proprement dite. C’est le Père Ernest Ernest Kombo Pika qui entonne la prière d’ouverture suivi du mot de bienvenue adressée aux invitées, en lieu et place du Directeur Général du CARF. Juste après, le Père Kombo va donner sa conférence sur « la notion de droit d’auteur en droit positif congolais ».

Le droit d’auteur est donc l’ensemble de prérogatives que le législateur reconnaît à un auteur de pouvoir percevoir un paiement chaque fois que son œuvre est exploitée. C’est le salaire différé que le législateur reconnaît à un créateur d’une œuvre de l’esprit.

En droit congolais, c’est l’ordonnance-loi numéro 86-033 du 5 avril 1986 portant protection des droits d’auteur et des droits voisins qui, en son article 4, cite les œuvres de l’esprit qui sont protégées par la loi. Et parmi les œuvres de l’esprit qui sont protégées par la loi, cette ordonnance-loi cite le livre. Et l’auteur d’un livre a deux types de droits fondamentaux sur son œuvre.

  • Le premier type, c’est le droit moral qui consiste à ce que l’auteur est autorisé à pouvoir faire apparaître sur son œuvre, en l’espèce le livre à paraître son nom. Il a le droit de pouvoir l’enrichir en amenant d’autres éléments ou en changeant des éléments. Et il a le droit d’interdire à ce que l’on puisse en faire un usage contraire à ce que lui l’auteur veut. Et c’est ce qu’on appelle donc le droit de paternité de son œuvre parce qu’il est père de son œuvre. Et donc il a un droit moral sur celle-ci.
  • L’autre type de droit, c’est le droit patrimonial. Et donc il faudra entendre que le droit moral est un droit extrapatrimonial. Le droit patrimonial, comme on l’enseigne bien au cours de droit civil des biens, est le droit qui procure à son titulaire des avantages pécuniaires. Et ici l’auteur d’un livre a le droit chaque fois que son livre est exploité à pouvoir en tirer des bénéfices, à pouvoir être payé. Et ce droit-là, naît notamment lorsqu’il y a l’édition. En principe, selon le tirage que l’éditeur voudra bien lancer, l’auteur est payé par rapport à ce tirage. Et deuxièmement, chaque fois que l’œuvre est utilisée soit dans une bibliothèque soit dans d’autres expositions.

Voilà autant de droits que peut avoir un auteur d’un livre.

Néanmoins, la grande question reste celle liée à la mise en œuvre de la protection légale des droits d’auteurs et des droits voisins. C’est le grand problème auquel bute notre pays actuellement. Il s’agit là d’une question qui se pose avec autant d’acuité dans notre pays parce que la gestion collective des droits d’auteurs et des droits voisins a difficile à être mise en œuvre. Il s’agit là d’une autre question qui peut ouvrir un autre débat.

Le Père Kombo a également établi la frontière existante entre « auteur » et « écrivain ». Si en règle générale, ces deux concepts apparaissent et sont employés comme des termes synonymes, il existe, en réalité, une nette frontière entre eux.

Le mot « auteur » désigne toute personne qui produit une œuvre: auteur d’un livre de cuisine, auteur d’une œuvre picturale, auteur d’un slogan, auteur d’une statue, auteur d’un plan de maison…On comprend alors pourquoi le droit d’auteur concerne toutes sortes d’auteurs (auteurs de livres, scénaristes, compositeurs, humoristes, illustrateurs, chorégraphes etc.).

Dans le domaine qui nous intéresse, celui de l’écriture, n’importe qui publiant un ouvrage, quel que soit le domaine, le genre et la forme, est un auteur. Ainsi Jean Gicquel publiant des ouvrages de Droit constitutionnel est un auteur. Il en est de même pour Alain Pellet, qui publierait un traité de Droit international public. Le professeur Isidore Ndaywel, père de « Nouvelle Histoire du Congo » est lui aussi auteur.

Et pourtant, tous ces gens ne sont pas, dans le sens strict du terme, des écrivains.

Par contre, sont considérés comme écrivains ceux dont les œuvres relèvent de l’écriture littéraire. Sont donc écrivains : les romanciers, les nouvelistes, les poètes, les dramaturges, les fabulistes, les conteurs etc. Même parmi les essayistes, tous ne sont pas des écrivains…

Un écrivain est l’auteur d’une œuvre dont on reconnait une qualité esthétique. L’écrivain a une conscience de l’écriture. Il ne cherche pas simplement à communiquer ou à faire passer un message, il cherche à produire un effet, il est en quête du beau. L’écrivain pratique l’écriture de création. Il invente un univers, des personnages, une histoire…

Un écrivain est avant tout un artiste, c’est-à-dire, un pourvoyeur d’émotions. Il exploite toutes les ressources de la langue (les images, le rythme, les sonorités, la syntaxe, la disposition des mots etc.) pour imprimer à son écriture une dimension esthétique. Son écrit s’inscrit dans la fonction poétique du langage.

C’est exactement ce qu’ont fait des auteurs comme Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Mongo Beti, Ferdinand Oyono, Bernand Dadié, Zamenga Batukezanga, Lokole Antoine-Roger Bolamba, Clémentine Faïck Nzuji Madiya, Puis Ngandu Nkashama, Geaorges Ngal Mbwil-a-Mpang, etc. pour ne citer que ces quelques figures emblématiques de la littérature négro-africaine d’expression française.

Qu’à cela ne tienne ! En dépit de cette distinction, il n’y a pas de frontière étanche ou de cloisonnement ferme entre les deux types d’écriture : l’écriture de création et l’écriture d’information.

Deuxième conférence : Madame Noella Itumu Ingua

La deuxième conférencière a été Madame Noella Itumu Inguya, Bibliothécaire en chef du CARF. Pendant un quart d’heures, Madame Itumu a fait une brève présentation de la Bibiothèque Monseigneur Munzihirwa, invitant ainsi les potentiels lecteurs à fréquenter aussi bien sa partie physique que celle numérique. Partant de son historique, la conférencière a révélé au public le trésor caché dans ce centre documentaire qui a connu son essor en l’an 2020, notamment avec la construction de son nouveau bâtiment. Une infrastructure à la taille du CARF et capable de loger une bibliothèque moderne qui soit à la hauteur des attentes des lecteurs et autres partenaires du CARF.

Troisième conférence : Madame Nelly Tshela

La troisième conférencière, mieux la conférencière principale, est bien connue du public CARF : Madame Nelly Tshiela Mutayi. Son intervention est axée sur le thème « lisez à votre façon ». Cette juriste et écrivaine présentera tour à tour le Quid de la lecture, les différentes manières de lire, les bienfaits de la lecture.

Loin d’être une simple suite de mots alignés sur une page, la lecture est une fenêtre ouverte vers la réflexion, la production et la créativité. L’on peut donc lire pour s’évader (les romans, les récits fantastiques, les contes et Bandes dessinées), pour acquérir une culture générale, pour prendre des décisions éclairées. La lecture peut également viser à échanger et partager avec les autres. La lecture rend permet aussi d’acquérir le développement personnel. Une bonne lecture permet de développer le sens critique et se forger sa propre opinion. Il n’existe pas de bonne ni de mauvaise façon de lire. Le plus important est de trouver un rythme et un style de lecture, un genre littéraire: romans, bandes dessinées, revues et essais qui nous conviennent.

La lecture procure certains avantages ou bienfaits : l’amélioration des compétences cognitives, le développement cognitif, la réduction du stress, l’élargissement des horizons, l’amélioration de l’empathie, l’intelligence émotionnelle et relationnelle, car la lecture de romans et d’histoires permet notamment de mieux comprendre les émotions et les expériences des autres. La lecture améliore aussi le sommeil, renforce le bien-être mental et élargit au maximum les connaissances.

Quatrième conférence : Monsieur Lucien Tshinyam Kawel

M. Lucien Tshinyam Kawel a été le dernier conférencier de la journée. A la suite de Yann Sordet, il a essentiellement présenté la lecture numérique comme une culture qui a bouleversé profondément la production et la consommation du livre. Il s’agit là d’une nouvelle manière d’habiter le livre, une pratique qui présente aussi bien des avantages que des inconvénients. Au nombre d’avantages, l’on peut citer l’acquisition de nouvelles connaissances : modification de l’écriture, compréhension, production des travaux scientifiques, acquisition d’une nouvelle culture générale. Par conséquent, l’on ne peut guère se passer de la lecture numérique au jour d’aujourd’hui.

Autres avantages de la lecture numérique : elle modifie la relation du lecteur avec l’objet qu’il lit. En effet, les pages n’existent plus réellement ; on peut ainsi les faire défiler en appuyant simplement un bouton ou en manipulant un écran tactile. Aussi, la posture du lecteur change. La lecture sur écran devient plus discontinue et distractive.

Dans une ville comme Lubumbashi, il existe très peu de bibliothèques et de livres. L’avènement du numérique dans ce domaine devrait constituer une véritable chance et même une opportunité pour les uns et les autres. A défaut d’aller en bibliothèque, si l’on dispose de la connexion internet, l’on peut toujours lire en ligne partout où l’on est.

Le plus grand inconvénient du numérique est que l’on n’est plus en contact avec le document physique. L’on ne peut donc pas souligner, faire des annotations, résumer l’essentiel de la lecture avec un stylo ou un crayon. Et puis, la lecture numérique est souvent subordonnée aux exigences du respect des droits d’auteurs et de paiement en ligne. Il est même des spécialités que l’on ne peut pas trouver en ligne. Ou si on les trouve, elles sont exposées partiellement. Cela est généralement fait à dessin par les auteurs afin de décourager la lecture virtuelle qu’ils ne savent toujours pas contrôler, invitant donc ainsi les potentiels lecteurs à accéder directement aux ouvrages physiques ou durs.

D’aucuns pensent donc que la lecture numérique devrait être déconseillée, surtout aux plus jeunes parce qu’elle encourage la facilité.

A l’issue des exposés, l’on est passé aux échanges. C’est un débat assez houleux qui est engagé. Des interventions de qualité qui feront avancer les idées et la science. Pendant une heure environ. A 17h10, tout va prendre fin. Le Directeur administratif du CARF clora la conférence en bénissant tous les participants. Puis, tout le monde va partager un cocktail de famille préparé pour la circonstance par le service traiteur du CARF. C’est vers 18h00 que l’enceinte du CARF va commencer à se vider. C’est déjà le début du week-end.

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