Au mois de Novembre, en son vingt-deuxième jour de l’année en cours, il s’était tenu au Centre Arrupe pour la Recherche et la Formation, CARF en sigle, une conférence inspirante qui avait réuni plusieurs couches de la population lushoise sur l’engagement politique chrétien guidé par les paroles du Pape François et la doctrine sociale de l’Eglise, sous le thème : « L’engagement politique chrétien : Qu’en dit le Pape François ? » par le Père Toussaint Kafarirhe Murhula, SJ, Directeur Général du CARF. Cette conférence, à la fois une rencontre spirituelle et intellectuelle, avait débuté à 15h30’ par la prière du Père Xavier Bugeme, SJ.

D’entrée de jeu, l’allocution du conférencier avait dégagé une intention double pour répondre aux attentes des participants : d’abord une invitation à tous les chrétiens de participer aux discours sur le changement en toute conscience à l’instar du martyr et prophète Mgr Christophe Munzihirwa dont la vie aura été arrachée pour la bonne cause, celle de tous ; ensuite une invitation à s’approprier l’héritage incroyable de la doctrine sociale de l’Eglise.

Est-il possible pour un chrétien, passionné par la justice et le bien commun, de s’engager en politique pour servir les autres et défendre les valeurs chrétiennes ? Le chrétien devrait-il vraiment se préoccuper de la politique dans le contexte actuel ? Toutes ces interrogations fort alarmantes avaient trouvé satisfaction dans le propos du conférencier  qui avait placé l’accent sur l’un des nombreux points forts de la Lettre encyclique Fratelli Tutti sur la fraternité et l’amitié sociale : le rejet par le Pape François du paradigme néolibéral. Le pontife romain propose à travers cette lettre ouverte à toute l’humanité, une autre façon de penser la politique; non pas comme une compétition pour la survie, mais bien plus comme un auxiliaire du bien commun selon l’enseignement social de l’Église, un service à l’humanité dans l’espoir de démanteler l’idée d’une guerre de tous contre tous au profit du respect inconditionnel de la dignité de tous et une amitié universelle.

Dans la suite de son propos, le conférencier avait appelé les chrétiens à ne pas se contenter des institutions qui existent, surtout lorsqu’elles sont injustes, et d’avoir le courage de les changer ; c’est-à-dire, s’approprier les institutions qui existent, non pas pour les subir, mais pour leur donner un ton et un accent que nous voulons avec une base chrétienne. Cet appel est un message du Pape François à changer notre manière de penser la politique car nous sommes créés dans l’amour et pour l’amour de Dieu. Cela ramène à l’éducation chrétienne : Dieu nous a donné une dignité profonde qui est inaliénable. C’est un réalisme politique. Nous ne sommes pas fondamentalement mauvais et égoïstes. Ce message vise à déconstruire certaines motivations qui meuvent l’homme : la peur de l’autre, le besoin de survie, la guerre de tous contre tous, les prémices de l’égoïsme et la compétition pour gagner plus au détriment des autres (comme le veut le néolibéralisme).

D’un autre côté, le Père Toussaint avait argumenté sur le fait qu’un chrétien se doit de participer aux questions politiques qui engagent sa vie sans croire qu’il ne peut rien faire. À l’heure actuelle, beaucoup d’autres secteurs sont désertés alors que tout le monde veut à tout prix faire de la politique. Mais de quelle manière ? La nouvelle perception de la politique (cf Chap 5 Fratelli Tutti) veut que tout soit mis au service du bien commun, et tout ce que l’on apprend doit être mis au service des autres. Dieu nous a donné une tête pour que nous en fassions quelque chose. À quoi donc servira-t-elle si toutes les connaissances, les richesses, les découvertes, les savoirs, … que nous possédons n’ont pas pour but d’améliorer la condition de vie humaine ?

Pour déconstruire le paradigme néolibéral qui conditionne le mental et l’espace de représentation intellectuelle selon le Père Kafarirhe, il appartient au chrétien de sortir de cette manière de penser qui monopolise les structures mentales pour ne pas réfléchir au-delà de cette logique (néolibérale). Sinon cela reviendrait à dire que tout ce que nous vivons comme êtres humains résulte des choix (bons ou mauvais) que nous avons faits. Face à cette situation, le chrétien doit être conséquent : quand il adhère à une vérité, il doit avoir le courage de l’annoncer, et il ne se contente pas des demi-vérités.

L’adresse du conférencier avait élevé le débat ainsi que des échanges entre les participants, qui de leur part ont bien accueilli le message de l’engagement politique chrétien. Toutes les personnes présentes étaient donc parties avec des recommandations et des messages que nous pouvons résumer en ce sens :

  • Dieu aime tout le monde et veut que tous soient sauvés. Laissons-nous donc transformer par l’Évangile, les traditions et la doctrine sociale de l’Eglise ;
  • Faire de la politique est une forme élevée de la charité et un moyen se servir le bien commun, une rencontre fraternelle, un service de la dignité humaine et une action matérielle pour le bien de tous ;
  • L’engagement politique chrétien est une manière concrète de vivre l’Évangile et de témoigner de l’amour de Dieu dans le monde. Il doit se faire avec une conscience éclairée et un cœur ouvert ;
  • Le chrétien est celui qui se salit les mains, qui se blesse, qui s’indigne, qui résiste, qui insiste même lorsqu’il n’a plus de choix pour le bien de tous en faisant la politique et en gardant ses valeurs chrétiennes ;
  • Il appartient au chrétien de valoriser le travail de tout le monde dans le concours pour le bien commun, sans changer son regard sur l’autre et sans jeter sa frustration ou son insécurité sur l’autre, car on a fait de l’humain de nos jours un article jetable.

Cette rencontre spirituelle et intellectuelle s’était soldée sur une bonne note dans une ambiance de bonne enfant par le mot de remerciement et la prière finale du Père Toussaint Kafarirhe, SJ autour de 17h30’. Les participants avaient donné des impressions positives sur la conférence et la plupart avaient souhaité la création des espaces d’échange sur les questions politiques qui demandent l’engagement solide des chrétiens.

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